Chapelet d’îles au large des côtes sénégalaises, le Cap-Vert est bien plus qu’une simple destination vacances. Moins connu et moins mis en avant que d’autres, cet archipel mérite grandement qu’on y pose ses valises et qu’on se laisse guider par la musique et l’art de vivre capverdien. Véritable diamant brut, il fait le bonheur des aventuriers en quête d’authenticité. Plein Cap vous dévoile sa facette artistique et plus particulièrement musicale dont les mélodies envoûtantes résonneront dans votre tête bien après votre retour.
Les origines de la musique capverdienne
Le Cap-Vert est un véritable creuset culturel. En effet, cette terre de métissage issue de la rencontre des civilisations africaines et européennes a donné naissance à une musique unique dans laquelle se mêlent rythmes africains et mélodies portugaises. Les esclaves déportés d’Afrique ont apporté leurs chants et leurs danses tandis que les colons portugais ont introduit leurs instruments et leurs harmonies. De ce brassage culturel est née une palette de sonorités riches et variées où se côtoient rythmes endiablés et airs emplis de souvenirs.
Au Cap-Vert, de nombreux genres musicaux coexistent dont le plus connu à l’international est certainement la morna. Originaire de l’île de Boa Vista, elle fait évoluer des tonalités nostalgiques sur des rythmes lents. À travers des chansons poignantes, c’est la majorité du temps la saudade qui est évoquée à travers ses paroles. La saudade. Cette mélancolie profonde qui habite les Cap-Verdiens et parle d’amour, de mer et d’exil et qui a été mis en lumière par les interprétations touchantes de celle que l’on surnommait la diva aux pieds nus, Cesária Évora. Si cette musique vous transperce jusqu’aux tréfonds de votre cœur, même sans en connaître la signification, c’est parce qu’elle reflète l’âme. Par ses mélodies simples et répétitives, toute la palette des émotions est retranscrite à travers les notes et la douceur de ses chanteurs. Autres pionniers à l’avoir mis en lumière, Bana apprécié pour son timbre grave et profond et Tito Paris, artiste complet qui a su renouveler le genre tout en respectant les traditions. La relève de ces grandes figures est assurée : Lura, en digne héritière de Cesária la remet au goût du jour tout en gardant son authenticité, la talentueuse Mayra Andrade qui unit morna et tendances jazz et soul, ou encore Elida Almeida qui de sa voix puissante galvanise son public par son énergie et sa modernité. Ces jeunes artistes soufflent un vent de fraîcheur sur la scène capverdienne en mêlant traditions et influences contemporaines.
À l’opposé de la morna, citons le funaná. Exit la mélancolie, ce genre musical né sur l’île de Santiago à la fin du 19e siècle, déborde de vitalité avec ses rythmes endiablés et ses danses sensuelles et représente bien plus qu’une simple musique. Véritable institution culturelle qui reflète l’âme de l’archipel, le funaná est inscrit depuis avril 2024 au patrimoine national du Cap-Vert. Lorsque les notes de la gaíta (accordéon diatonique) et du ferrinho (percussion métallique) s’accordent, c’est tout un peuple qui danse et se reconnecte à ses origines. Le rythme est rapide et contagieux, les mouvements de hanches et d’épaules jouent de la séduction et les paroles, interdites pendant la période coloniale, évoquent la liberté, l’amour et la justice. Tout au long de son histoire, il a intégré d’autres genres musicaux comme la mazurka polonaise, la valse ou encore la samba et ses grands interprètes lui ont insufflé une nouvelle dynamique, loin de son image coutumière. Dans la musique capverdienne en général, les traditions se perpétuent tout en se renouvelant. Mélomane ou en quête de sonorités novatrices, vous serez séduit par sa richesse et son authenticité.
L’évolution des instruments
Le métissage au niveau de la musique est intimement lié à celui des instruments. Ce mélange socioculturel, ces racines à la fois africaines et portugaises, ont favorisé l’évolution des instruments. La musique capverdienne s’est développée sur un terreau africain. Lors des cérémonies ou à l’occasion de danses traditionnelles, une oreille attentive saura identifier des percussions comme les batuques, des instruments à cordes pincées comme la cimboa ou encore ceux à vent comme les flûtes. L’influence portugaise se marque par l’introduction de la nouveauté par la guitare, le violon ou l’accordéon. Ce mélange a donné naissance à des sonorités uniques. C’est ainsi que le cavaquinho, cette petite guitare portugaise à 4 cordes, est devenu un incontournable de la morna, tandis que le ferrinho s’est montré omniprésent dans les ensembles de funaná. Aujourd’hui la musique capverdienne continue d’évoluer grâce aux inspirations extérieures. Citons en exemple les nouvelles technologies, les claviers et autres boîtes à rythme qui la modernisent tout en veillant à laisser les instruments traditionnels au cœur de la musique capverdienne. La transmission du patrimoine culturel est donc assurée.
La musique capverdienne et le tourisme
Atout majeur pour le tourisme de l’archipel, la musique capverdienne attire chaque année des milliers de voyageurs. Les festivals sont au fil du temps devenus des incontournables. Parmi eux, citons le phénoménal Baía das Gatas qui a lieu sur l’île de São Vicente. Créé en 1984, il a su s’imposer comme l’un des événements les plus importants du pays qui a lieu en août, le temps d’un week-end de pleine lune la plupart du temps. Alors les plages prennent des allures de scènes géantes, les concerts s’enchaînent, l’ambiance est festive et chaleureuse. La programmation se veut éclectique, mêlant artistes renommés et futurs talents qui jouent du funaná, morna, coladeira ou kizomba. À cette occasion, la très attendue course de chevaux attire de nombreux spectateurs, tout comme l’élection de miss Baía. Ce festival permet de promouvoir la culture capverdienne à l’international, mais surtout de créer des emplois et de dynamiser le tourisme. L’impact est très important pour l’île de São Vicente.
Autre temps fort auquel assister quelques semaines avant le carême : le carnaval de Mindelo. La musique traditionnelle capverdienne est une reine qui fait défiler les carnavaliers parés de costumes influencés par ceux du Brésil ou du Portugal. Explosion de couleurs et de rythmes entraînants, les groupes montrent leur identité à renfort de tenues extravagantes et de chorégraphies originales représentant des thèmes variés allant de la mythologie africaine aux questions sociales. L’ambiance est électrique, invitant les spectateurs à se mêler aux cortèges et à danser et chanter avec eux.
Les agences de voyages ont même créé des offres mettant en avant ce créneau, ponctuant le séjour de cours de danse ou de visites de studios d’enregistrement pour découvrir les coulisses de la production musicale. Grâce à la musique, les touristes peuvent comprendre la culture et l’histoire du pays, rendant la destination encore plus attachante. L’implication des locaux qui accueillent les festivaliers avec enthousiasme favorise ce partage de passion pour la musique dans un cadre absolument idyllique.
Vous vous sentez déjà envoûté par toute cette musicalité et cet art de vivre ? Pourquoi ne pas opter pour une croisière qui explorerait cette mosaïque de cultures ? Vous pourriez mouiller dans des baies aux eaux translucides, découvrir une faune colorée, des paysages aux contrastes saisissants et rencontrer une population souriante et chaleureuse. Nous vous quittons rêveur, sur ces paroles profondes de la grande Cesária Évora pour sa terre natale : « Sodade, sodade. Tanta saudade de terra, de mar, de tudo que eu já vivi » que nous pourrions traduire ainsi : « Nostalgie, nostalgie. Tant de nostalgie, de la terre, de la mer, de tout ce que j’ai vécu ». Bien plus qu’une chanson, c’est un véritable hymne à l’âme capverdienne, sublimé par sa voix inoubliable et la beauté de la mélodie.