
Paysages magnifiques, villes emblématiques, réalisateurs et acteurs de génie, les Italiens et l’Italie en général ont eu et continuent de couler de beaux jours sur le grand écran. À la sortie d’un film qui vous a plu, le constat est toujours le même : vous voulez immanquablement rester connecté à son univers magique. Et si vous décidiez d’aller plus en profondeur ? De marcher sur les traces d’artistes inoubliables, de visiter ces villes qui ont inspiré les scénaristes, de flâner en vous imaginant être le personnage principal de votre propre mise en scène ? Laissez-vous guider et embarquez pour un voyage cinématographique loin d’être exhaustif, mais qui vous sera fort utile, si vous souhaitez découvrir d’une façon tout à fait originale, la fameuse botte. Évoquons quelques-uns des grands talents italiens et leur carrière, puis dessinons un itinéraire palpitant empreint d’Histoire, de séquences cultes et d’amour bien sûr.
Marcello, Sofia, Claudia e tanti altri
Si le cinéma italien peut se vanter d’un tel rayonnement dans le 7e art, c’est grâce au charisme hors norme d’acteurs, metteurs en scène et réalisateurs qui ont su marquer des générations. Parmi eux, le premier nom qui vient à l’esprit est celui de l’immense Marcello Mastroianni, monstre sacré à la gestuelle expressive et au regard mélancolique. Inspirant la sympathie, il aura été apprécié tant par les femmes que par les hommes. S’il rêve du grand écran, c’est sur les planches qu’il fera ses débuts d’artiste. Ses prestations théâtrales seront l’opportunité de rencontres marquantes : celle avec une jeune étoile alors encore inconnue, Silvana Mangano, puis Giulietta Masina qui interprétera l’inoubliable Gelsomina dans La Strada, mais aussi Luchino Visconti qui détectera son magnétisme et lui donnera de très beaux rôles..
10 ans plus tard, il fera connaissance avec celui qui aura une influence considérable sur sa carrière, l’un des plus grands réalisateurs italiens du XXe siècle, Federico Fellini. Comme le raconte si bien Mastroianni, il était à la recherche d’un visage quelconque pour incarner son personnage-phare dans son prochain film La Dolce Vita et le préféra à Paul Newman que son producteur lui avait pourtant suggéré. Ensemble ils remporteront la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1960 malgré le scandale suscité à sa sortie. Mastroianni tournera en tout 7 fois sous la direction de son mentor, dont le chef-d’œuvre autobiographique Otto e mezzo en 1963, La cité des femmes en 1980 ou encore Ginger et Fred en 1986. Véritable alter ego du réalisateur, ils seront unis par une amitié indéfectible l’un envers l’autre..
Vittorio Gassman est également l’un de ces monstres sacrés. Multicasquette (acteur, réalisateur, scénariste, écrivain, animateur à la télévision italienne), il fut actif aussi bien au cinéma que sur les planches. Reconnu pour son professionnalisme et sa polyvalence, il sera fort impliqué dans le monde du théâtre et fondera le Teatro d’Arte italiano. Extrêmement populaire, c’est aux côtés de Visconti qu’il connaîtra les succès de sa maturité et fera ses débuts dans le 7e art en 1945. Il obtiendra una consécration avec Pigeon en 1958, Le Fanfaron en 1962 et tant d’autres, aussi bien en Italie qu’à l’étranger. Sa carrière au petit écran ne fut pas en reste, mais c’est toujours vers le théâtre qu’il reviendra immanquablement, ajoutant même à son jeu la carte de la poésie. Mais que serait le cinéma italien si l’on n’évoquait pas son carré d’as incarné par Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Silvana Mangano et Claudia Cardinale ? Que de comédiennes inoubliables, de rôles émouvants et ensorcelants, de prestations sublimes, mais aussi de vie publique et de secrets révélés qui ont fait la une des gazettes mondaines et people !
Commençons par celle qui fut bien plus qu’un sex-symbol, Sophia Loren. Née à Rome et naturalisée française, elle s’imposera dès les années 50 par ses interprétations de femme du peuple. À seulement 25 ans, elle gagne l’Oscar de la meilleure actrice en 1962, faisant d’elle la première à remporter ce prix pour un film non anglophone, La Ciociara. Suite à cette consécration et reconnaissance internationales, elle sera l’une des actrices les plus récompensées : 7 David di Donatello (l’équivalent de notre César), 5 Golden Globes, 4 rubans d’argent, un BAFTA et bien d’autres distinctions dont un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Si rien ne la destinait à cette vie-là (elle s’orientait vers le métier de professeur d’anglais), elle sera l’une des vedettes les plus demandées, tant aux États-Unis qu’en Europe, et à la filmographie impressionnante. Les plus grands ont eu le privilège de lui donner la réplique : son ami de toujours Marcello Mastroianni, mais aussi Cary Grant, Peter O’Toole, Gregory Peck, Philippe Noiret, pour n’en citer que quelques-uns
Gina Lollobrigida, quant à elle, saura très vite que le milieu artistique est fait pour elle et étudiera à l’Académie des Beaux-arts de Rome. Comme Sophia qui termina 2e sur le podium de Miss Italie, Gina remportera en 1947 une 2e place au concours de Miss Rome et d’une 3e à Miss Italie. Sa plastique de rêve ne lui offrira dans un premier temps que des rôles secondaires jusqu’au fameux Fanfan la Tulipe aux côtés de Gérard Philipe. Elle enchaînera les productions, gagnant en notoriété et obtiendra la reconnaissance internationale grâce à des réalisateurs de renom. John Huston la met face à Humphrey Bogart dans Plus fort que le diable, Carol Reed lui fit partager l’affiche de Trapèze avec Burt Lancaster et Tony Curtis, Jean Delannoy fit d’elle l’éternelle Esmeralda d’un Quasimodo incarné par Anthony Quinn dans Notre-Dame de Paris. Yves Montand, Pierre Brasseur, Franck Sinatra ou encore Steeve Mac Queen seront ses partenaires à l’écran. Cinéma, télévision, photographie, l’art est fait pour elle et le lui rend bien. Officier de l’ordre des Arts et des Lettres en 1986, commandeur en 2004, décorée de la Légion d’honneur en 1993, celle qui aura eu son étoile sur le Hollywood Walk of Fame et une rose à son nom créée par le rosiériste français Meilland s’éteindra à 95 ans après une vie remplie de succès et de récompenses pour ses interprétations.
Comment résumer en quelques lignes seulement la magnifique CC ? Impossible, tout simplement, il faut bien l’avouer. Claudia Cardinale est une star reconnue comme il en existe peu, à la filmographie impressionnante. Baptisée « la plus belle Italienne de Tunisie », elle a su s’illustrer dans d’innombrables genres cinématographiques : du western spaghetti au drame social, du film de guerre à la comédie italienne ou hollywoodienne. Solaire, délicate, troublante, figurant dans le classement des plus grandes actrices de tous les temps, elle ne succombera pourtant pas aux sirènes hollywoodiennes. Ses expériences de vie, elle les mettra au service des personnages qu’elle interprète, faisant de la caméra sa complice. Le Guépard de Visconti lui fera prendre conscience de ses capacités et de l’étendue de son talent. (1)
Une visite à travers l’écran
De par sa diversité architecturale et paysagère, l’Italie offre une multitude de décors qui ont inspiré les plus grands réalisateurs. Rome, la ville éternelle, est sans conteste la plus filmée du pays. Souvenez-vous de la princesse Ann et du photographe Bradley interprétés par Audrey Hepburn et Grégory Peck, sillonnant la capitale en Vespa dans Vacances romaines. Au cours d’une folle journée de liberté, ils se cacheront mutuellement leur véritable identité. En spectateur attentif, vous reconnaîtrez les plus beaux spots de la ville : le Colisée, la Bocca della Verità, le Panthéon, la piazza Venezia et la piazza di Spagna, le pont et le château Saint-Ange sur la rive droite du Tibre et bien sûr la fontaine de Trevi.
Cette célèbre fontaine, vous la retrouvez aussi dans une séquence culte de La dolce vita. Anita Ekberg, alias Sylvia, incarne une actrice de renommée internationale. Après avoir semé les paparazzi, elle profite d’un instant de répit dans les ruelles de la capitale et, apercevant le bassin, y entre sans l’ombre d’une hésitation. Le bruit de l’eau la transporte littéralement et elle invite Marcello à la rejoindre. La nuit tout comme l’actrice dans sa splendide robe noire moulante l’ensorcellent et, à deux doigts de succomber, il sera coupé dans son élan par l’arrêt des jets d’eau qui le ramèneront à la réalité. Dans ce film, la via Veneto, l’une des plus célèbres artères de Rome servira de liant dans les différents tableaux. Fellini voulait tourner sur les lieux même, mais cela fut impossible en raison des contraintes de la police et des nombreux passants. L’architecte Piero Gherardi en construisit un bon morceau dans le studio 5 de Cinecittà.
Rome toujours, mais la Rome Antique, cette fois. Si vous pensez que les scènes du film Gladiator ont été tournées sur place, sachez qu’il n’en est rien. Une réplique du tiers du Colisée a été édifiée à Malte sur une hauteur de quasi 16 mètres. Plusieurs mois et un million de dollars ont été nécessaires à sa réalisation. Vous serez surpris d’apprendre que le reste du monument a été créé en utilisant des images de synthèse.
Ah, la belle Venise et son atmosphère tellement unique ! La cité des Doges, ses canaux sinueux et ses palais majestueux servent de décor à des productions aussi diverses que variées. Prenons l’exemple de Mort à Venise de Visconti qui se situe en 1911, à la Belle Époque. De nombreuses séquences ont été tournées au Grand Hotel des Bains, sur le Lido. La lagune, les gondoles, le vaporetto, tout y est. La Sérénissime a également tenu lieu de tournage pour le film d’action Braquage à l’italienne. La scène d’ouverture du braquage a d’ailleurs été strictement surveillée par les autorités locales en raison de la vitesse élevée des bateaux, rendant à l’écran la course poursuite spectaculaire.
Que dire de l’envoûtante Florence ? Revivez l’histoire d’amour des personnages de Chambre avec vue et capturez l’atmosphère romantique et la beauté toscane en suivant l’itinéraire du film. Partez de la Piazza de la Signoria et de la loggia dei Lanzi, poursuivez jusqu’à Santa Croce où vous pourrez admirer des œuvres d’art historiques. Continuez en direction de la piazza Santissima Annunziata pour rejoindre notamment le Museo degli Innocenti. Tellement de lieux sont incontournables pour les cinéphiles en visite à Firenze.
Enfin, terminons par la Sicile immortalisée dans deux films des plus mémorables : Le Guépard de Visconti et Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore. Dans l’un comme dans l’autre, on y retrouve toute la beauté de ces paysages si particuliers, baignés de lumière et chargés d’histoire, contribuant à l’atmosphère unique de ces chefs-d’œuvre.
Nous aurions pu continuer ce voyage par d’autres références, d’autres villes, d’autres monstres sacrés. Nous aurions pu évoquer Le Parrain ou l’inoubliable Il était une fois en Amérique. Nous aurions pu parler aussi de Monica Bellucci, de Roberto Benigni, de la Mostra de Venise et de festivals. Cela fera peut-être l’objet d’un deuxième opus, qui sait. Alors comme on le dit si bien au cinéma : To be continued…